Avantage fiscal sur le gazole pour le secteur routier remis en cause
Nous en parlions récemment dans notre article sur le retour de l’écotaxe régionale à l’horizon 2021, la loi Climat est synonyme de beaucoup de changement pour le secteur routier. En effet, malgré un projet de loi sur l’écotaxe, abandonné en 2014, puis remis au goût du jour cette année, c’est la question des avantages fiscaux sur le gazole pour le secteur routier qui est à présent soulevée. Ainsi, les députés ont donné leur aval il y a quelques jours de cela pour une levée progressive de l’avantage fiscal sur le gazole, menant à une suppression de cette dernière d’ici à 2030. Si cette décision n’est pas perçue d’un bon œil par tous, elle est cependant motivée par “une envie de bien faire” d’après les représentants de l’État, bien décidés à encourager les professionnels du secteur routier à effectuer toutes les modifications nécessaires pour proposer des services de meilleure qualité sur le plan environnemental. Mais qu’en est-il exactement, et qu’en pensent les politiques et représentants du secteur directement concerné par cette nouvelle ?
Le secteur routier directement impacté par la suppression de l’avantage fiscal sur le gazole
Actuellement largement en tête lorsqu’il est question de mode de transport des marchandises en France (plus de 75% à ce jour), le secteur routier français bénéficie d’avantages fiscaux qui lui permettent de rester souverain dans l’Hexagone face aux routiers étrangers circulant dans le pays. Cependant, cette souverainement serait sérieusement remise en cause suite à l’annonce le 14 mars dernier de la décision des députés de lever d’ici à 2030 les avantages fiscaux du gazole, tout en autorisant les régions à mettre en place une écotaxe régionale.
Ainsi, les représentants du secteur routier se sont rassemblés et ont publié un communiqué commun dans lequel ils déclarent leur mécontentement et leurs craintes pour l’avenir du secteur, qui selon eux est déjà “sévèrement concurrencé”.
Ce que le gouvernement propose en contrepartie
Conscient qu’une telle annonce ne sera pas reçue cordialement par le secteur professionnel directement concerné, le gouvernement ne reste cependant pas insensible. En effet, le ministre délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, a insisté sur le fait que l’objectif d’une telle décision n’était en lien destiné à handicaper le secteur routier, dont il a salué le rôle tenu durant la crise sanitaire, mais bien de proposer des solutions rapides et efficaces pour leur permettre une transition écologique réussie. Pour cela, il souhaite “accélérer [la mise en place] des aides récentes” promises pour le renouvellement des poids lourds ainsi que le rétrofit vers des moteurs électriques et ceux fonctionnant à l’hydrogène.
Le co-rapporteur, Jean-Marc Zulesi a également ajouté que cette décision n’a pas pour but de “tuer la filière, mais bien de l’accompagner dans une transition” de manière sereine.
Pourquoi la suppression de cet avantage fiscal inquiète ?
Alors que le secteur routier permet l’acheminement de plus des trois quart des marchandises circulant dans le pays, l’exemption fiscale sur la TICPE (taxe intérieure de consommation des produits énergétiques) est à ce jour la principale subvention accordée au secteur routier par le gouvernement. Elle représente ainsi quelque six milliards d’euros annuellement.
Étalée sur cinq années, la levée de cet avantage se traduirait par l’augmentation du prix du gazole pour le secteur routier de près de 15% par litre. Cette augmentation ne sera pas sans conséquence sur le coût du transport routier de marchandise, puisqu’une hausse de 3,5% de ce dernier a été envisagée dans une étude anticipative, soit un coût annuel pour le secteur de 70 à 80 millions d’euros.
Les représentants du secteur, particulièrement agacés de cette décision, précisent : “le remboursement partiel de la TICPE n’est pas un cadeau fiscal aux entreprises de transport routier, il est un mécanisme européen essentiel pour préserver notre compétitivité face à une concurrence étrangère très rude. Il est inconcevable et contre productif qu’au moment où la profession va avoir besoin de plusieurs milliards d’investissement par an pour accélérer la transition énergétique, l’Etat décide de lui retirer près d’1,5 milliard et d’anéantir ses marges et toute capacité d’investissement.”
D’autres nuages dans le ciel du secteur routier ?
En plus de l’écotaxe régionale, qui prendra la forme redevance kilométrique ou d’une vignette forfaitaire, ainsi que la levée de l’avantage fiscal sur le gazole, s’ajoutent deux mesures qui inquiètent les représentants du secteur.
En effet, les entreprises auront comme responsabilité d’enseigner à leurs employés les fondements de l’éco-conduite, ainsi que d’en assurer sa mise en place. Ce sont ainsi des formations professionnelles initiales et continues des conducteurs qui devront être mises en place, et entièrement financées par les entreprises, pour un coût estimé à environ 190 millions d’euros à l’échelle du pays.
Enfin, les agglomérations de plus de 150 000 habitants, soit un peu plus d’une cinquantaine en France, devront dans les deux années à venir mettre en place des ZFE (Zones à Faibles Émissions). Pour cela, elles devront restreindre la circulation de certains véhicules dans les zones habitées, ce qui impactera directement les habitudes et méthodes de fonctionnement des chauffeurs routiers.
Un projet de loi qui est loin de convaincre
Ainsi, la loi Climat et Résilience, encore en pleine élaboration, soumet dores et déjà de nombreuses interrogations. À la source de craintes et d’inquiétudes pour l’avenir d’un secteur déjà difficile et contraignant, s’ajoutent des obligations et des interdictions qui rendent la projection dans le futur particulièrement difficile pour les professionnels du secteur routier français. Cependant, compte tenu des points particulièrement sensibles que soulèvent ces questions, il est juste de penser que de nombreux ajustements vont encore être apportés à ces textes de loi, qui en état risquent de générer dans les entreprises du secteur routier un mécontentement qui ne bénéficiera à personne. Une affaire qui n’en est donc qu’à ses balbutiements, mais qui sera observée de près par tous les acteurs du secteur.