D’abord proposée pendant le quinquennat Hollande, l’écotaxe destinée aux transporteurs routiers avait été abandonnée fin 2014 par Ségolène Royale. Cette décision était le fruit de nombreuses manifestations et mobilisations des professionnels du secteur, dont l’initiative revient aux “bonnets rouges”, rassemblés d’abord en Bretagne, puis suivis dans l’ensemble des régions de France. Près de sept ans plus tard, les députés donnent leur feu vert pour la mise en place d’écotaxes régionales pour les poids lourds. Un projet de loi qui s’accorde avec la loi climat actuellement en discussion, qui génère chez les représentants du métier autant de colère que d’incompréhension. Cependant, toutes les régions ne sont pas au diapason devant cette décision du parlement, et ne sont pas volontaires à mettre en place cette écotaxe, qui pourrait être selon certains synonyme d’augmentation des prix auprès des consommateurs, d’inégalité entre les camions français et les camions étrangers, et de menace pour la survie des entreprises.
L’un des points essentiels de ce projet de loi est de permettre au gouvernement de légiférer par ordonnance, dans les deux ans suivant l’acceptation de la loi, pour permettre aux régions “d’instituer des contributions spécifiques assises sur la circulation des véhicules de transport routier de marchandises empruntant les voies du domaine public routier national mises à leur disposition”.
Cette politique de différenciation permet ainsi au gouvernement d’avancer dans son projet de mise à disposition des routes nationales, temporairement du moins, auprès des régions qui les possèdent. Suite à quoi, ce seront aux départements de prendre le relai. “Cette décentralisation des routes nationales se fera à titre expérimental avec les régions intéressées, à partir de 2023 et pour cinq ans” annonçait dans les Échos Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des Territoires.
Cette volonté est plus longuement expliquée et développée dans le projet de loi 4D.
En résumé, l’objectif de cette mesure est de permettre aux régions de prendre la gestion des routes nationales, et ainsi financer leur entretien par le biais des contributions nouvelles appliquées aux transporteurs routiers.
Parallèlement, cette mesure permet au Gouvernement de remplir ses engagements pris lors de la convention citoyenne pour le climat.
Selon le projet de loi climat, l’article 32 prévoit une “habilitation à légiférer par ordonnance” afin que les régions “disposant d’un domaine public routier” puissent choisir la mise en place d’une “contribution spécifique assise sur le transport routier de marchandises”. “L’objectif est de favoriser le transport des marchandises par des moyens moins émetteurs de gaz à effet de serre (ferroviaire, fluvial…)”.
Ainsi, le projet de loi tente une approche égalitaire auprès des régions, en se basant sur un système de volontariat. Cependant, chaque région connaît son lot de différences, et toutes ne se sentent pas également soutenues, et plus particulièrement leurs entreprises de transport routier. Bien que cette loi soit destinée aussi bien aux camions français qu’aux camions étrangers, comme souligné par Jean-Marc Zulesi, certains craignent que les disparités entre les régions soient trop grandes, et encouragent les routiers à favoriser de nouveaux axes de transports, afin d’éviter les régions concernées par cette écotaxe.
Parmi les régions favorables à la mise en place de l’écotaxe régionale pour les poids lourds, sont rassemblées l’Île-de-France, la Bourgogne-Franche-Comté ainsi que l’Aquitaine.
Interrogée au micro de France 2 sur la question, Valérie Pécresse, présidente de la région Île-de-France, a ainsi expliqué : “J’ai toujours été favorable à ce que les poids lourds de transit qui ne créent aucune valeur dans notre région mais qui la traversent paient une vignette, une écotaxe. C’est le principe pollueur-payeur. En revanche, (concernant) ceux qui créent de la valeur en Île-de-France, qui livrent chez nous, cette aide devrait leur être reversée pour qu’ils puissent moderniser leurs camions et avoir une livraison propre.”
Si les régions commencent dores et déjà à prendre position face au projet de loi, les représentants du secteur routier, eux, sont unanimes. Ainsi, dans un communiqué commun, de nombreuses organisations représentantes ont exprimé leur mécontentement et leurs inquiétudes. Parmi ces représentants, la Fédération Nationale des Transports Routiers (FNTR), Unostra et la Chambre syndicale du déménagement ont joint leurs voix pour mettre en lumière des mesures qui selon eux sont “inefficaces d’un point de vue environnemental”. Ils ajoutent également que ces augmentations sur la fiscalité des poids lourds sont “supposées à la fois favoriser le report modal, contribuer au financement des infrastructures et accélérer la conversion écologique des véhicules. Dans les faits, il n’en est rien !”
Partant du postulat que cette nouvelle taxe n’aidera en rien la transition des véhicules vers des modes de consommation plus verts, ils requièrent un soutien plus franc afin de réussir à effectuer leur transition énergétique dans de meilleures conditions. Cette écotaxe aurait en effet le résultat inverse, et serait plutôt synonyme d’un matraquage sur un secteur déjà en difficulté.
De plus, si les entreprises du secteur routier se voient contraintes à payer une écotaxe, en plus des obligations morales et législatives d’assurer leur transition énergétique, les répercussions se ressentiront jusque dans le portefeuille des particuliers. En effet, de nombreuses sociétés de transport considèrent déjà leur situation financière comme précaire, et lutte tant bien que mal pour joindre les deux bouts. La mise en place d’une taxe supplémentaire, ajouté aux difficultés rencontrées par beaucoup serait alors synonyme du dernier coup de massue qui obligerait de nombreux professionnels à mettre la clé sous la porte.
En conclusion, l’annonce de la reprise d’une écotaxe pour les poids lourds sonne pour les professionnels et leurs représentants comme un retour en arrière de plusieurs années. Dans une époque déjà fortement marquée par la crise économique et les nombreuses répercussions liées à la crise sanitaire, de nombreux routiers ne cachent pas leurs inquiétudes et craignent pour leur avenir. Si certaines régions se montrent favorables à ce nouveau projet de loi, toutes ne partagent pas leur avis.